Dans l’actualité de la semaine, des « hackers » russes ont pénétré les bases de données de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA) et ont révélé la présence de nombreux sportifs connus , comme Chris Froome ou Serena Williams, nouvelle détentrice du record de victoires en matchs de Grand Chelem.
Cela signifie-t-il que ces sportifs sont dopés et protégés comme l’affirment certains articles parus depuis 2 jours ? Impossible de l’affirmer, mais il faut bien comprendre ce qu’est une l’Autorisation d’Usage à des fins Thérapeutiques, communément appelée AUT.
AUT : definition, principes et exemples
Créé en 2007, l’AUT permet aux sportifs de suivre un traitement à base de médicaments contenant une substance interdite.
En effet, vous avez beau être sportif de haut niveau, vous avez aussi le droit ou le risque d’être malade ! Et parfois, pour traiter cette maladie, le médecin doit prescrire des médicaments ou des traitements qui font partie de la liste actuelle des substances et méthodes interdites établie par l’AMA et publiée par décret (Décret n° 2015-1684 du 16 décembre 2015, Journal officiel du 18 décembre 2015): http://list.wada-ama.org/fr/
L’exemple le plus courant est l’utilisation de la cortisone, puissant anti-inflammatoire , qui existe sous plusieurs formes et très fréquemment prescrite dans les pathologies suivantes :
- Asthme : cortisone en inhalation (spray), à prendre tous les jours pour éviter les crises, ou cortisone en comprimés (Prednisolone, très connue sous le nom de Solupred®) en cas de crise.
- Allergies : cortisone en spray nasal (Nasonex®, Nasacort®, etc.) tous les jours ou en cas de crise.
- Sinusite : Cortisone en comprimés + Spray nasal
- Eczema ou psoriasis : cortisone en pommade (Diprosone® par exemple)
Certes, tous les médicaments contenant de la cortisone ne sont pas interdits mais, même avec une pommade, un passage de petites doses dans le sang est possible, ce qui peut engendrer des contrôles positifs.
Quels sont les effets potentiels de la cortisone sur un sportif ?
Diminution de la sensation de douleur, action anti-inflammatoire sur les muqueuses respiratoires qui permet une meilleure oxygenation, effet « boostant » et excitant…CQFD !
Ainsi, si Serena Williams consulte son médecin pour une sinusite « carabinée » et qu’elle joue l’US Open 5 jours après, vous imaginez bien que tout sera fait pour qu’elle soit rétablie le plus vite possible. La prescription de médicaments interdits devra donc être déclarée à l’agence de lutte anti dopage, par l’intermédiaire de cette fameuse AUT.
Via un formulaire adéquat (voir un exemple), le médecin devra décrire précisément pourquoi il prescrit ce médicament, pourquoi il ne peut pas en prescrire un autre qui ne serait pas interdit, et le(la) sportif(ve) doit aussi déclarer être au courant de la procédure et accepter la prescription de ce médicament en signant le document.
Le tout est envoyé le jour même à l’AMA, ou à l’AFLD ( Agence Française de Lutte anti-Dopage) s’il s’agit d’une AUT réalisée en France.
Le (la) sportif(ve) devra également garder dans son sac de sport le double de l’ordonnance, qui permettra, en cas de contrôle inopiné, de prouver qu’elle a bien vu un médecin et qu’elle n’a pas pris de médicaments ou d’autre type de traitement dans le but de se doper.
Il est important de préciser qu’il s’agit d’une déclaration et non d’une demande d’autorisation. Autrement dit, on prévient les instances que le sportif peut être contrôlé positif, mais on ne demande pas le droit de prescrire, le médecin ayant la responsabilité de son ordonnance.
Quelles sont les dérives possibles ?
2 exemples :
- Vous êtes cycliste et diagnostiqué « asthmatique » : vous avez le droit de suivre un traitement par cortisone inhalée, au niveau pulmonaire et nasal, ainsi que de la Ventoline® qui va dilater vos bronches, mais ce traitement aura sans doute un effet bénéfique sur vos performances… L’utilisation de la Cortisone en comprimés, voire en injection sera en revanche très encadrée et contrôlée par les AUT.
Remarque : contrairement aux croyances populaires, les cyclistes pro ne sont pas «asthmatiques pour avoir le droit de prendre de la Ventoline et de la Cortisone », mais leur sport, du fait de l’exposition continue à l’air, l’humidité, les pollens, le froid, favorise bel et bien les pathologies respiratoires.
- Vous êtes sportif de haut niveau et avez été traité pour un cancer : vous « pouvez » prendre de l’E.P.O (Erythopoeitine)
Dans le cadre des traitements du cancer, la chimiothérapie est d’utilisation très habituelle. Or, elle a pour effet secondaire principal de diminuer le nombre des globules rouges et blancs dans le sang, donc de provoquer une anémie. Les injections d’Erythropoietine (EPO), substance qui permet de resynthétiser ces globules, sont donc très courantes chez les patients cancéreux.
Quand on a été victime de ce type de maladie, les périodes de surveillance peuvent aller de 3 à 5 ans, durées pendant lesquelles on peut nécessiter (ou bénéficier de ?) la prescription de médicaments interdits.
Une prise d’EPO 3 ans après un cancer pourra se défendre médicalement (encore que, il faut vraiment prouver l’existence d’une anémie par une prise de sang) mais ne servira-t-elle pas plutôt à améliorer les performances du sportif, ex-malade ?
C’est tout le problème de la responsabilité et de l’honnêteté du sportif, des entraineurs et du médecin prescripteur…
Pour info :
- L’incitation au dopage, le trafic de substances dopantes et le fait de prescrire des produits dopants ou d’en administrer à autrui est punissable de cinq années de prison et d’une amende de 75 000€.
- Si la prescription ou l’administration est effectuée sur une personne mineure la durée de l’emprisonnement sera portée à sept ans et l’amende à 150 000€. Mêmes sanctions pour des délits commis en bande organisée.
Quand on est médecin du sport, il convient donc d’être prudent et bien renseigné !
Coucou !
Meme pour les non pratiquants cet article m’a bien intéressée
Bravo
Kiss